A.KHELIL-Le mérite dans sa perception des uns et des autres

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H.Belbouri 

 LE MÉRITE DANS SA PERCEPTION

                                    CHEZ LES UNS ET LES AUTRES !

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Abdelkader KHELIL *

Dans les sociétés dites évoluées, celles qui savent donner un sens à leur existence en tant qu’entités totalement inscrites dans la méritocratie, le mérite est une valeur morale qui fait référence à l’effort des individus qui arrivent le plus souvent à surmonter les difficultés de la vie courante par  sens du devoir, et par  aspiration au bien. Tout cela est fait dans l’intérêt général de la collectivité nationale, et rien de plus !

La méritocratie, est donc ce système de gouvernance qui met en valeur les individus méritants par: leur classe, leur grandeur, leur honnêteté, leur honneur, leur moralité, leur talent et leur vertu. C’est là, autant de qualités qui distinguent l’organisation des sociétés modernes, où les gens utiles sont aussi reconnus en fonction de leurs efforts intellectuels et physiques, de leurs créativités, de leur intelligence managériale, de leurs aptitudes scientifiques, techniques, professionnelles, et de leur sens du commandement. Dans ce type de gouvernance, aucune référence n’est faite à l’origine sociale des individus, à leurs conditions matérielles et encore moins, à leur appartenance à un système fait de parenté de sang et de copinage. C’est l’évaluation de la valeur intrinsèque de chacun, cette « mesure étalon », qui fait la différence entres les sociétés qui avancent, et celles qui s’enlisent dans la régression, dans  un monde régi  par la recherche, de plus en plus de performances !

MAIS QU’EN EST-IL EXACTEMENT CHEZ- NOUS ?

Sans être grand clerc, à bien regarder de prés le dysfonctionnement de notre société qui peine à trouver sa voie, si l’on se rend à l’évidence qu’aucune gloire n’est à tirer à ce niveau mais pas seulement, c’est qu’on nous a habitué à voire les « néo-méritants », comme ces individus pas forcément compétents, et encore moins talentueux, qui arrivent pourtant à se maintenir en mouvement dans la proximité de la sphère décisionnelle, tels des électrons liés au noyau d’un atome par interaction électromagnétique. C’est de cette manière, que d’aucuns ont fait appel sans le savoir, à cette loi de la physique pour prendre « l’ascenseur social », celui qui leur est réservé de par le fait qu’ils aient dès le départ de leurs « carrières », emprunté la voie du raccourci des cours du soir de l’université populaire (licences des quatre jeudis) et des promotions indexées à l’échelle de l’allégeance à l’esprit unique, nourri par la philosophie de la cooptation, qui sait gratifier et récompenser par bonification et privilèges, ses adeptes et ses courtisans !

C’est à ce cursus de la voie « express », cette « rocade » de la réussite aidée, qu’ont veillé les Mouhafadas depuis plusieurs décennies par l’article 120, pour ramener leurs « canassons » aux commandes des principales institutions, en utilisant comme subterfuge, l’arabisation éclair et irréfléchie de l’administration, de l’école et de l’université, ce « Tsunami » qui a balayé les valeurs sûres du bilinguisme des médersas, et a enfoncé notre société dans cet illettrisme, qui a été ce terreau fécond, au développement de toutes les formes d’intégrisme, et de toutes les dérives qu’a connu notre société ! C’est ainsi, qu’à défaut d’être portés sur les valeurs de la civilité et sur l’abnégation dans le travail bien accompli, bien des gens de chez-nous, « formatés » par moulage unique comme dans une secte, ne perçoivent le plus souvent leur évolution, que dans un rapport de force fait d’adversité, dans une atmosphère de brouhaha, de passe droit, de magouilles et de pugilat, qui leur donne une position au sein de la « fratrie », mesurée par leur capacité de nuisance. La finalité d’une telle approche, est de rassurer par effet démonstratif fortement musclé, « le groupe d’intérêts communs » auquel ils s’apparentent. Dans cette lutte partisane  totalement en décalage par rapport à l’intérêt général de notre pays, qui peine à sortir de son sous-développement, nous sommes dans une démarche totalement dénudée d’un authentique débat autour d’idées novatrices, qui puissent le sortir de sa léthargie, et de la misère intellectuelle dans laquelle on l’a enfoncé à dessein, comme pour mieux le posséder et en jouir, par cynisme éhonté !

C’est ce qui a été mis en scène par des frères ennemis, un certain jour à l’hôtel Aurassi, comme pour se rapprocher davantage du centre de décision, en cherchant à nuire à son concurrent potentiel aux abois, sans que cela ne s’inscrive dans une démarche saine du mérite, des valeurs et de la civilité. Alors ! Qui peut nous dire, comment nous pourrions devenir crédibles vis à vis de nos partenaires, lorsque nous nous offrons à pareil spectacle ? C’est de la sorte que nous sommes devenus infréquentables, et qu’il n’y a pour nos partenaires pour tout intérêt à coopérer avec nous, que cette nécessité d’accéder aux réserves énergétiques de notre sous-sol ! Et après ! Que pourrions-nous devenir ? Quel malheur que cette incertitude pour nous mêmes et pour notre progéniture, face à l’inconnu du lendemain, de par la faute de ceux devenus maîtres par infraction, et maintenus dans les rouages de nos institutions par le chantage du pire ! Alors ! Oui ! De cette manière ainsi piégés, nous sommes réellement en danger !

QUAND LES « CANASSONS » ÉCLIPSENT LES « ÉTALONS » !

Si par rapport à cette question du mérite, comme pour bien d’autres choses, notre société s’est de fait disqualifiée, c’est parce que justement, la primauté est donnée à l’action partisane,  en lieu et place de l’effort utile pour la collectivité nationale. Quel triste sort, que celui réservé à ce  vieil adage, « toute peine mérite salaire », plus communément employé sous la forme, « tout travail mérite salaire ». On peut aussi dire dans ce cas précis, « tout effort mérite reconnaissance », si l’on veut faire la pédagogie de la civilité !

Autrefois vertu publique, chez-nous comme partout ailleurs, la reconnaissance du  mérite n’est en fait, que cette mesure de la valeur dans tous les domaines de la vie courante, indexée à l’effort. C’est par cette voie, que les hommes et les femmes dignes et authentiques accèdent à la gloire, à la notoriété, et à la reconnaissance que leur doit la société dans toute sa globalité ! C’est en tout cas, ce qui nous était enseigné par nos parents, mais aussi à l’école des bons points et des images, avant l’apparition de la hiérarchie par la « chkara » du trabendisme par le biais de laquelle tout s’achète, y compris la « notoriété », et par la richesse illicite de l’import-import des détonants de tous les dangers, de la friperie de la misère et de la malfaçon des pièces détachées, en grosse partie à l’origine de l’hécatombe sur nos routes !

C’était le cas il n’y a pas si longtemps, où nos instituteurs étaient respectés au point de l’adoration pour certains, par leurs élèves et leurs parents ! Demandez aux Mascariens, ils vous diront ce qu’était la notoriété de Si Habib BELBOURI, ce grand maître au cent pour cent de réussite au certificat d’études primaires, qui a su faire naître auprès des différentes promotions de ses élèves, la hargne de la réussite scolaire, et son corollaire la promotion sociale, sans avoir à leur donner des cours de soutien dans un garage exigu, entretenant de la sorte l’arnaque et le chantage de la bonne note chèrement payée, dans une atmosphère scolaire marquée chaque année, par le diktat d’un syndicat d’enseignants, à la recherche d’une gloire, sans mérite pédagogique ! Notre maître à nous, « Allah yarmouh » féru des revues techniques du « système D », suivait aussi des cours d’électronique par correspondance, et était capable en sa qualité d’autodidacte, d’effectuer toutes les réparations sur radios, magnétophones, appareils de projection et autres, ce qui lui a valu bien des jalousies de la part de ses collègues pieds-noirs ! C’était cela nos « instits » d’autrefois, qui avaient à cœur l’émancipation de leur société, et la réussite des leurs !

Ce symbole du mérite non syndiqué, fût l’une des premières victimes le l’école algérienne marquée par le sceau du baâsisme ! Des hommes et des femmes de ce calibre et de cette grandeur d’âme, pas très portés sur le fric et le confort matériel, mais plutôt sur la reconnaissance de leur rôle d’utilité publique, ils en existaient certainement partout ailleurs dans cette Algérie d’autrefois, conviviale et fraternelle à souhait ! Il suffit juste d’interroger les mémoires de chacune de nos villes, pour en trouver toute une pléiade ! Oui ! Les temps ont bien changé, et notre école ne fait plus de la valeur du mérite, l’essentiel de sa pédagogie et de sa mission ! Mais où allons-nous comme çà ? N’y a t-il point de conscience torturée, qui puisse corriger cette trajectoire suicidaire ?

De nos jours, comble de ce ridicule qui ne fait plus rougir, le vrai méritant, cette  fierté de la société, et cet exemple à suivre, est plutôt craint et jalousé ! On le cache à l’arrière plan, de cette pièce théâtrale qui nous est quotidiennement jouée, comme pour le confiner dans la fonction de « souffleur », au service d’acteurs sans talent ! Il est en quelque sorte, mis au « frigo » comme pour utilisée une expression consacrée par les « canassons » de notre administration, qui ont peur des « étalons » à la généalogie et au pédigrée éprouvés, habitués qu’ils sont à tirer la « litière » à eux, parce que ne sachant pas vivre dans le partage ! Ces « purs sangs » du haras des cadres du savoir et de la connaissance, qui ne sont pas à leurs premiers coups de sabots des « tirs-aux-flancs », fiers qu’ils sont, prennent souvent de la hauteur, et c’est ce qui leur attire de l’animosité de toute part ! Ils finissent par sombrer dans l’oubli, comme s’ils n’avaient jamais existés, pour le plus grand dommage de leur société, qui galère à tout vent dans sa médiocrité ! Mais jusqu’à quand devrions-nous subir les effets néfastes de ces ondes négatives, qui retardent l’évolution de notre société ?

C’est à tous ces méritants qui ont fait la gloire de notre pays, à ceux qui veillent à sa sécurité et à son bien-être, sans distinction ni reconnaissance, à ceux qui ont empli de joie les cœurs de nos concitoyens et de nos concitoyennes l’instant d’une manifestation sportive interplanétaire, et qui ont ressuscité l’espoir chaque fois que l’effort et la compétence ont été au-rendez-vous, qu’est dédié à titre d’hommage, cet article ! Ils sont les dignes fils d’une nation de braves qui n’ont pas pour habitude d’abdiquer, face à l’infamie de ceux qui nous déshonorent !

LE GÂCHIS DE LA NON RECONNAISSANCE DU MÉRITE !

Qui peut nous dire, combien de fois a t- on remercié solennellement les acteurs culturels les plus productifs et les plus méritants ? Combien de fois a-t-on porté par la reconnaissance nationale certains parmi nos scientifiques et nos chercheurs ? Sait-on au moins, que c’est par le mérite qu’un créateur légitime son utilité à sa société ? Sans cela, il n’est qu’un individu sans importance, jusqu’au moment ou il ira faire prévaloir la reconnaissance de son talent, sous d’autres cieux ! Alors ! A t- on estimé à sa juste valeur tout le préjudice causé à notre entité nationale, par cette perte de centaines de milliers de cadres (médecins, scientifiques, chercheurs, pilotes, ingénieurs, managers, intellectuels, artistes et  créateurs) ?

Il n’y a qu’à regarder l’état actuel de nos hôpitaux, le niveau de nos universités dans le classement international, la régression de notre compagnie aérienne « Air-Algérie », l’état de « sécheresse » et de désolation de nos productions artistiques, théâtrales et cinématographiques, le vide sidéral de nos librairies à l’agonie, pour comprendre l’ampleur de la catastrophe causée par l’exil de non compétences ! Nous faisons du sur place, et nous n’avançons pas comme il se doit ! Oui ! On nous a toujours dit que la faute est à cette décennie noire ! C’est juste, jusqu’à une certaine limite ! Mais que faisons-nous aujourd’hui pour nous en sortir, une fois l’accalmie nous dit-on retrouvée ? Quels sont ces correctifs apportés pour parer au plus pressé ? A t-on réellement à songer l'ordre des choses ? Alors que chaque fois envahi par le doute, Il me vint à l’esprit, cette expression constamment usitée par notre Maître, Si Habib BELBOURI, comme pour l'ancre dans nos esprits : « El Hmar Ma Ichem El Karfa, Oua El Atrous Ma Yakhdem Souadji ! », « l’âne ne sent pas la cannelle et le bouc ne fera jamais horlogier ! ».

Il n’est qu’à se laisser flâner dans les rues de nos principales villes, pour se rendre compte de l’intérêt que nous portons à notre patrimoine culturel et de l’absence des créations artistiques qui n’arrivent pas à s’incruster harmonieusement dans le paysage de nos villes atteintes par des signes chroniques de délabrement. Par contre, nos trottoirs font de leurs espaces, l’étalement hétéroclite des produits Taïwan et made in china ! Est-ce là, une manière de nous perpétuer d’une génération à une autre, dans ce qu’appelait en son temps Platon, le « projet d’immortalité », en faisant allusion aux œuvres immortelles des artistes ? Voilà pourquoi, il me semble que dans un pays égaré comme le notre, en sa qualité de laboratoire d’inspiration souvent d’origine archaïque, passéiste, voire moyenâgeuse, la renaissance de notre propre culture est une entreprise d’importance tout au moins égale, à celle de notre sécurité alimentaire. Lui a t-on alors donné comme il se doit, l’importance et la priorité voulue ?

Si ailleurs, à chaque fois que nous croisons le regard d’un artiste primé, ses yeux scintillent de bonheur, chez-nous, ils sont tous tristes parce-que jamais reconnus pour leur art dans sa juste dimension, sauf lorsqu’on fait dans l’événementiel, pour se donner l’illusion que nous sommes dans la normalité, en les honorant quelquefois à titre posthume ! Et pourtant ! Par leurs travaux créatifs, ces artistes ne font que nous rappeler à chaque instant, que la culture est le carrefour commun de notre existence et de notre espérance. Que la culture est, en un mot, l’âme de tout un peuple, puisque sans transmission d’une conscience nationale, fondée sur des valeurs communes, il est difficile d’humaniser les rapports au sein de notre société.

LA RÉCOMPENCE DU MÉRITE UN ACTE DE CIVILITÉ !

La récompense du mérite est donc d’une utilité impérative, tant pour la cohésion sociale, que pour le bien être psychologique des individus. Le mérite devrait s’affirmer comme l’aune de la justice sociale dans toute société régie par des valeurs. Il alimente la croyance à l’aspiration et à la reconnaissance, cet enjeu moral qui oriente l’ensemble des revendications sociales. Il garantit aux individus qu’il vaut la peine de faire des efforts, tout en promettant une place à la mesure de chacun.

Passer outre cette règle, équivaut à rester dans une insouciante médiocrité, pour l’instant largement couvée par la dépense publique, pour l’achat du savoir-faire des autres ! Les meilleurs de nos cadres continueront à partir à l’étranger, et notre pays continuera à ne garder dans une large proportion, que les médiocres et les mauvais, tout en continuant à pleurer sur sa gloire passée ! Mais n’y a t-il rien à faire ? Faut-il pour autant penser, que tout est perdu ? Rien n’est moins sûr ! Mais il faut tout d’abord finir par comprendre, que ce qui nous arrive en tant qu’individu, ou communauté, n’est que le résultat de ces attitudes laxistes qui ont éclipsé les valeurs, en faisant de la voie du gain facile sans trop d’efforts, la mesure la mieux prisée quant à la recherche d’un meilleur positionnement des individus dans notre société d’aujourd’hui !

Il y a là forcément, une question de choix d’un projet de société qui n’est pas encore tranchée ! En tous les cas, il faut se rendre à l’évidence qu’il y a certainement un  effort collectif à faire pour surmonter nos contradictions et nos divergences bassement matérielles ! Il faudrait aussi, que nous apprenions à nous comporter en société, selon les règles de la civilité et de la convivialité qui régissent le « vivre-ensemble », comme aboutissement d’une nation évoluée. Ce n’est qu’à partir de là, qu’Il sera alors possible de combattre efficacement tous ceux qui par leurs pratiques informelles et illicites, sapent les efforts de notre société, en ne laissant à nos enfants pour seule alternative de réussite et de mérite social, que celle de l’éducation en leur inculquant la valeur de l’effort individuel à l’école. C’est là, une condition de réussite scolaire et un peu plus tard, de réussite sociale ! C’est par rapport à tout cela, qu’il y a urgence à réformer l’école, pour en faire d’elle, cet incubateur du mérite et de la citoyenneté ! Tout doit commencer par là ! Il n’est jamais trop tard pour redresser la barre, si des hommes et des femmes d’honneur mus par le seul intérêt général, s’emploient à le faire ! C’est là, le défi des braves qui ne lésinent sur aucun effort, pour porter secours à leur société en danger !

                                                                                                 

   

PUBLICATION DU Pr KHELIL .2

Curieux endroit qu'a choisi le Pr KHELIL pour situer le déroulement de son histoire. Ce choix en réalité n'est pas fortuit: ce phénomène de la file d'attente révèle l'un des malaises chroniques que ressent le citoyen algérien. Pour les deux acteurs de ce roman ce lieu constitue l'observatoire idéal pour scruter, observer et sentir physiquement le resenti de ce malaise social. Le dialogue des deux amis, l'un agronome l'autre journaliste, passe en revue tous les problèmes qui empoisonnent la vie quotidienne de l'algérien. Dans l'épilogue l'auteur propose des solutions basées sur des études scientifiques qui doivent accompagner une réforme en profondeur de notre système socioéconomique et donc politique. Comme d'habitude chaque publication du Pr KHELIL constitue une nouvelle contribution positive  au débat national.A.B

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