A.KHELIL-Le rêve d'une Algérie prospère

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Alger futur

Abdelkader KHELIL*

Depuis FREUD, nous savons que l’inconscient s’exprime sans entraves, alors que nous dormions ! Rien n’est plus évanescent que les rêves que nous faisons dans notre sommeil profond ! Et à peine sommes-nous levés, que des séquences entières s’effacent de notre mémoire. Ces rêves là, racontent généralement des situations en rapport avec le subconscient d’individus pris séparément.

Ils font donc référence  aux problèmes et aux difficultés que chacun de nous ne parvient pas à résoudre par ses propres moyens. Mon propos n’est pas de parler de ces rêves d’un état second, en rapport avec l’intimité de chacun de nous, et qui se traitent dans des cabinets de psychologues, mais plutôt de ce rêve assimilé à la réalisation d’un fantasme collectif, qu’appelle de son vœu cette majorité de gens inquiets par rapport à la stagnation de notre société dans son ensemble et dans bien des cas, par rapport à sa régression.

NOTRE RÊVE COLLECTIF !

Ce rêve là, est formulé de façon consciente dans la forme d’une projection d’une société qui aspire à un bien-être, si ce n’est dans l’immédiat, tout au moins dans un avenir proche après avoir accompli la somme d’efforts nécessaires dès aujourd’hui pour l’atteinte de cet objectif majeur. Il ne peut être mis à exécution que par des esprits inventifs, qui sauront mettre en évidence les tares qui rythment encore notre quotidien afin de les corriger au plus vite, pour pouvoir avancer d’un pas résolu. Pour peu qu’ils soient désintéressés matériellement, ils sauront alors se mettre au service de tout un peuple, sans recherche de dividendes, sinon que l’honneur d’avoir à participer à l’édification de leur pays. C’est de femmes et d’hommes honnêtes disposant de savoirs et d’expériences, dont à besoin aujourd’hui l’Algérie ! Il en existe ici et ailleurs et ne demandent qu’à servir leur pays, chagrinés qu’ils sont par sa situation déplorable !

Quant aux autres, qui ont déjà montré leurs limites, la raison devrait leur dicter le retrait sur la pointe des pieds, sans bruit ni fracas pour laisser place à celles et ceux qui sauront s’inscrire dans la légalité républicaine, dans les principes de la bonne gouvernance, de l’égalité des chances et de la justice sociale ! Le moment est venu ! Il faut le faire tout de suite, car demain il sera déjà trop tard ! Il s’agit là de restauration d’un édifice républicain à mettre au service de tous, et que ne sauront réhabiliter que des esprits disposant de réelles aptitudes ! À cette tâche d’édification d’un État moderne  fort, juste, régulateur et garant de l’émancipation de notre société, ceux qui prétendent savoir tout sur tout, n’auront aucun rôle à jouer ! Ils ont eu leur chance et n’ont pas réussi, pour avoir fait des opportunités et des occasions offertes à notre pays, des difficultés insurmontables ! Que de temps perdu et de retard pris sur les autres, d’où cette nécessité de reconsidérer la question de notre développement dans sa juste dimension et dans les formes d’ingénierie les mieux appropriées à la mise en exergue de ses atouts !

C’est ce rêve partagé générateur d’espérance, qui traverse et torture constamment mon esprit à l’instar de toutes et de tous ceux qui attendent avec impatience, un changement global dans tous les domaines de la vie économique, sociale et culturelle, non pas dans leurs sommeils, mais tout en gardant les yeux ouverts et la clairvoyance de l’analyse critique, qui ne peut s’accommoder de la démarche de l’« apeuprisme » souvent assimilée à tort au pragmatisme, et fortement décriée, parce que nous sommes déjà face à ce mur que nous n’arrivons pas à franchir !

Je veux parler de ce rêve d’une « Algérie prospère », qui puisse faire paraître pour nos concitoyens, une éclaircie d’arc-en-ciel à l’horizon, non pas pour le seul bénéfice d’une oligarchie puissante, sa sphère d’influence et ses soutiens affairistes, mais dans l’intérêt de toute une population qui se doit de marcher d’un même pas, afin qu’aucun individu ne soit laissé au bord de la route de ce destin d’une marche collective, celle de l’ouverture sur l’horizon du toujours meilleur ! Je veux parler de ce rêve qui ancre ses idéaux dans la réalité de notre vécu à partir d’un authentique effort collectif !

Alors oui, je rêve et rêverai encore, jusqu’au jour où cela devienne réalité !  C’est bien vrai que comme a dit Anatole France : «  C’est en croyant aux roses qu’on les fait éclore » ! Et quelle meilleure occasion de le faire, que cette fin d’année, où toutes les bonnes volontés se rassemblent et s’unissent pour faire converger leurs vœux de bonheur et de prospérité partagés en direction de leurs familles, de leurs proches, de leurs compatriotes et de leur pays ! Cet article rédigé à l’occasion d’une fin d’année aux résultats très en-deçà des espoirs nourris, de surcroît marquée par la chute des prix du pétrole et par le risque d’une crise latente, s’inscrit en droite ligne et dans la continuité de celui paru sur le Quotidien d’Oran en quatre parties, intitulé « le nœud gordien algérien » signé conjointement, par  mes amis  Brahim Senouci et Mustapha Benchenane, respectivement Physicien à l’Université de Cergy-Pontoise et Politologue à l’Université Paris - Descartes - Sorbonne.

Comme eux aussi, très certainement, je rêve à cette Algérie qui rejette la progression « à tâtons » en privilégiant la maturation rigoureuse de ses projets au plus haut sommet de l’État, sous la surveillance et la veille stratégique d’un « Haut conseil à la planification et à la prospective », chargé de valider les différentes options de développement, leur mise en synergie et leur convergence autour de mêmes objectifs. Crise oblige ! C’est là une nécessité, un impératif  et une exigence de l’heure !  Je demeure pourtant conscient que le rêve est du domaine de l’esprit, et que la voie à suivre est parcourue les pieds sur terre, et non comme un itinéraire rêvé dans un sommeil profond. Comme je dois également dire, que le rêve d’une Algérie prospère ne saurait se résumer à la mise en pratique des idées et modèles occidentaux de modernisation. Il s’agit pour nous de créer la voie qui sied le mieux aux particularités de notre société, dans le prolongement de son authenticité et de son ouverture dans la tolérance, au monde extérieur !

UN PAYS RÊVÉ !

Dans le contexte d’une société ainsi définie, je rêve alors à une école rapprochée aux « défis de la vie » rencontrés par les enfants et les adolescents dans leur quotidien et en tout lieu de notre vaste territoire, à des forums de consultation populaire organisés autour de comités de quartier afin d’aboutir à des améliorations significatives du service public de proximité. Je rêve aussi à de nouveaux comportements posant ainsi les jalons d’une « nouvelle société », d’un pays fonctionnel à travers toutes ses institutions et agréable à vivre de jour comme de nuit, pour toutes et tous ceux qui ont décidé d’en faire leur patrie. Et dire que ce pays là a existé sur plus d’une décennie, avant que sa dynamique ne fût brisée !

Le profil de ce pays rêvé, que toutes nos concitoyennes et nos concitoyens appellent de leurs vœux au quotidien, et sans attendre l’occasion d’une fin d’année, est fait de références à notre sécurité alimentaire, à l’éducation de nos enfants, à la réhabilitation des arts et métiers, à la préférence nationale qui suggère la redynamisation du potentiel productif , au maillage infrastructurel du territoire, à la relance du tourisme, à la réduction de la dépense publique, à la lutte contre toutes les formes de gaspillage  et l’informel, et à la  réorientation des investissements du secteur privé  sur les activités productives. Mais n’est-il pas malheureux d’observer qu’aujourd’hui les opérateurs nationaux trouvent plus de facilités à importer, qu’à produire localement ? Cela est inadmissible, parce que contraire à nos intérêts, ne serait-ce qu’en terme de création d’emplois !

À l’angélisme béat qui caractérise la situation actuelle du fonctionnement de notre société, il s’agira d’opposer une démarche réaliste, lucide et constructive, inspirée par le seul intérêt national ! Nous n’avons pas à faire des cadeaux à qui que ce soit, au détriment de notre économie ! À partir de là, tous les faits positifs reliés entre eux nous aideront certainement à avoir l’envie de construire demain, et après demain, l’avenir ! N’est-ce pas que comme a dit Eleanor Roosevelt : « Le futur appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves » ? C’est parce que les Américains, les Australiens, les Canadiens et les Chinois ont cru à leurs rêves projetés sur des espaces de dimension continentale, que leurs pays sont devenus de grandes puissances ! C’est vrai qu’ils n’ont pas compté que sur le pétrole pour transformer leurs fantasmes en réalités vécues !

Et c’est parce-que j’y crois, que je me suis encore mis à rêver, mais cette fois-ci, dans le détail et sur la dimension de notre « pays continent » d’Est en Ouest, et du Nord au SUD, avec cette volonté d’apporter ma part de contribution à ce rêve collectif, qu’il s’agira de mettre à exécution ! Dans la permanence de mon rêve à yeux ouverts, j’ai vu une côte de 1.200 Kms qui ne demande qu’à être exploitée à l’optimum de ces capacités ! La navigation marchande peut être développée pour le transport des marchandises d’Est en Ouest, réduisant ainsi le nombre de camions sur le réseau routier.

Des gares maritimes peuvent être aussi réalisées afin de développer le transport maritime urbain, inter-urbain et de croisière sur l’axe Ghazaouet-Annaba, voire jusqu’à Tunis si l’on envisage la création de sociétés mixtes ! Il y a là une opportunité à saisir pour le développement du tourisme domestique, à partir de nuitées à prévoir au niveau des grandes villes comme : Tlemcen, Oran, Alger, Béjaïa, Jijel, Skikda et Annaba. La tendance baissière dans les importations de véhicules – 7,33 Milliards $ en 2013, contre 7,6  Milliards $ en 2012- expliquait en grosse partie par l’orientation des dépenses des ménages vers l’immobilier, est une opportunité à saisir pour réorienter l’investissement privé sur ce type de projets et sur la promotion immobilière ! À l’exception des gares maritimes dont la réalisation relève de la dépense publique, tout le reste des investissements est à caractère privé, selon des formules partenariales avec des entreprises étrangères !

La question de l’alimentation des villes du Nord étant pratiquement réglée par le dessalement de l’eau de mer, j’ai rêvé de transferts hydrauliques à grande échelle vers les périmètres irrigués et les espaces céréaliers afin de réduire notre dépendance alimentaire ! J’ai rêvé aussi, de ces (3) Millions d’hectares jusque là mise en jachère, qu’on pourrait destiner à la culture des légumes secs et la production de fourrages, et de ces dizaines de milliers d’hectares des régions du Sud qui pourraient servir au développement de cultures fourragères et industrielles, telles : le mais, le sorgho, la luzerne, le soja, le tournesol et le coton. De la sorte, notre dépendance en céréales, légumes secs, lait, viande blanche et matière grasse serait considérablement réduite.

J’ai rêvé du traitement de l’angoisse sismique et de la saturation des régions du Nord, à partir de la mise en place des conditions de redéploiement de populations non pas de façon autoritaire mais par des mesures incitatives, vers les régions des Hauts-Plateaux qui de par leurs étendues peuvent constituer l’assise idéale à la construction d’une « Algérie nouvelle ». Ceci d’autant plus que le développement du rail commence à prendre forme à travers les projets en cours. De même qu’il est aussi envisagé à moyen terme, des transferts hydrauliques à partir de la nappe albienne qui s’ajouteraient à celui déjà réalisé à partir du barrage de Koudiat-Acerdoune –Bouira- pour l’alimentation en eau potable de la ville nouvelle de Boughzoul en cours de réalisation, et de son aire d’influence.

À partir de ce maillage, j’ai rêvé de l’organisation de cette option « Hauts-Plateaux » autour de son axe autoroutier en voie de lancement de travaux, qui se doit d’être inscrit dans un écrin de verdure, non pas comme pour le « barrage vert », fait de la monoculture du Pin d’Alep ravagé par la chenille processionnaire, mais de vergers d’oliviers et de pistachier tout le long de son tracé, d’aménagements et de protection d’espaces steppiques . Au titre du développement des activités productives, j’ai rêvé d’une chaîne froide, d’abattoirs industriels et d’unités de transformation des produits de l’élevage aux fins d’une meilleure régulation de l’activité pastorale. J’ai aussi rêvé, de technopoles et d’agropoles et le l’organisation de l’armature urbaine à partir de centres à promouvoir en villes nouvelles.

Dans la continuité des étendues « Hauts-Plateaux » je me suis pris à rêver d’un axe de chemin de fer structurant : Alger-Tamanrasset, ce train « Express-Sud » seul à même de sortir les populations des grands espaces sahariens de leur isolement, lorsque son tracé sera jalonné de nouveaux centres de vie. J’ai rêvé aussi de leur ouverture au tourisme domestique et à toute la solidarité que les régions du Nord doivent manifester en leur direction. J’ai vu alors dans mon rêve les yeux grands ouverts, des jeunes transportés par « charters » à « petit prix », accueillis dans des campings en pleines palmeraies, en bivouac ou chez les habitants et comme effet induit, un développement florissant de l’artisanat local !

J’arrête là mon rêve qui peut se décliner encore et encore, pour dire que cet article est dédié aux jeunes de notre pays, à toutes celles et tous ceux qui ont encore la force de croire, d’aimer la diversité plurielle de cette Algérie magnifique et d’espérer qu’elle puisse devenir un authentique pays démocratique, moderne et prospère ! En quelque sorte, un pays où il fera bon vivre ! Ce texte est tout à la fois : rêve et prospective ! Il prône un grand effort collectif pour travailler à la construction d’une Algérie nouvelle, avec amour, tolérance, patriotisme et persévérance ! Mais il faut se le dire ! Rien de bien et de grand n’est facile ! Notre pays se doit de relever toute une série de défis afin qu’il puisse continuer à préserver son indépendance et sa souveraineté ! Il se doit de mobiliser toutes ses forces sans exclusive et d’avoir à sa tête, des décideurs rigoureux, honnêtes et capables d’inspirer confiance à la population locale et à la diaspora ! Tel est mon vœu ! Tel est mon espoir ! Et telle est ma conviction, qu’à ce moment là, le rêve pourra devenir réalité !

                                                                                      *Professeur