CONFERENCE Pr Ahmed DJEBBAR.

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Depuis la naissance de l’humanité, toutes les conquêtes se sont soldées par la destruction du pays conquis et l’imposition de la culture, de la foi et de la loi du vainqueur. Avec l’avènement de l’Islam, un phénomène nouveau apparait : non seulement les pays et les peuples conquis ne sont pas détruits, mais au contraire leur culture et leur religion sont respectées. Ces peuples conquis obtiennent la liberté de culte et leurs traditions sont préservées. Ces propagateurs de la religion nouvelle vont se distinguer par un caractère de génie : avides de connaissance, et respectant les commandements du prophète et du livre sacré, ils vont s’approprier et protéger tous les trésors culturels qu’ils découvrent et dans un deuxième temps, les développer et constituer dans tous les domaines un point de départ d’une véritable révolution scientifique qui contribuera d’une façon déterminante au développement de la formidable aventure que celle du progrès scientifique de l’humanité. La langue arabe a joué un rôle de premier plan dans cette révolution. Elle devient alors un vecteur fondamental de la connaissance, en particulier de la connaissance scientifique durant ces premiers siècles de l’Islam.    
Pour nous parler des héritages, des innovations et de la circulation des sciences et de la langue arabe en pays d’Islam entre les VIIIème et XVème siècles, notre association a eu le privilège de recevoir Monsieur Ahmed DJEBBAR, Professeur émérite d’Histoire des mathématiques à l’Université de Lille et ancien Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Il a eu à ses côtés comme modérateur de la séance, un autre homme de science, le Professeur Daho ALLAB.
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Après l’écoute de l’hymne national, les mots de bienvenue du Directeur de l’établissement, du Président de l’association, le modérateur présenta brièvement le conférencier avant de débuter son exposé.


Le Pr Djebbar demanda à l’assistance d’adopter une attitude intellectuelle neutre afin de juger sereinement les faits historiques loin de toute attitude sentimentale donc partisane. Il définit ensuite la science arabe comme étant la pensée, les écrits, les publications diffusés en langue arabe. Pour M.Djebbar, cet empire en formation se caractérise par un multilinguisme (espace persan, turc, berbère etc…) et un multi confessionnalisme (chrétien, juif, animiste, etc…). Ces populations vont adopter la langue nouvelle et vont l’utiliser pour développer leurs propres connaissances et ainsi sauvegarder leur statut qui leur permettra de vivre libre dans cette nouvelle société musulmane en devenir.


Entre 632 et 750 il n’y a pas émergence d’homme de science à proprement parler ; un seul livre est traduit et il est de philosophie : « les topiques » d’Aristote. 
Va commencer alors le temps des savoir-faire par la recherche de mots nouveaux ou de mots d’origine qui vont contribuer à l’enrichissement de la langue arabe par un processus dynamique. Une nouvelle terminologie voit le jour, œuvre d’hommes de science et non de décision académique. Ainsi nait tout un vocabulaire à des fins d’engineering militaire, de mécanique hydraulique et de géométrie pratique (mesurage, découpage etc…).


Entre 750 et 833 c’est le temps des nouveaux savoirs : la langue arabe est revisitée pour aboutir à son unification et en faire un outil de gestion des états. En même temps débutent les débats et les études sur le corpus religieux (Coran et hadiths) et l’élaboration d’un droit canon.


IMG 20150523 125802Le Pr A.Djebbar parlera ensuite de l’héritage du savoir ancien consistant en l’héritage persan, indien, grec qu’il développera très longuement en mentionnant de nombreux documents ayant constitué la base de cet héritage. Ainsi la traduction, l’assimilation, l’enseignement, les commentaires et critiques, la synthèse, la résolution de problèmes anciens deviendront pour la langue arabe un objet et un outil de développement scientifique. Plusieurs disciplines mathématiques, comme l’analyse combinatoire, vont naitre pour les besoins de cryptographie (chiffrage et déchiffrage), de linguistique, de philosophie, de phonologie et de lexicographie.  L’analyse numérique offrira un vaste domaine d’application pour déterminer les racines positives des équations numériques, la résolution de problèmes en astronomie et en optique. Enfin certaines méthodes d’interpolation ont été appliquées pour former et utiliser des tables astronomiques. Le mathématicien Djebbar à l’aise dans sa discipline nous fournira avec beaucoup de détails le processus de développement de ces disciplines en évoquant très largement les nombreux scientifiques à l’origine de ces découvertes.

Un débat fructueux a suivi et le Pr Djebbar a répondu en détail aux questions posées.

Le programme de cette journée comportait aussi un hommage à nos professeurs algériens ayant exercé dans notre lycée pendant la période coloniale. L’évocation de la mémoire de ces enseignants aujourd’hui disparus qu’étaient M.Bouchikhi Ahmed, Guermala Abdelkader, Méliani Mohammed, Mekkioui Mamoun, Boudali Safir, Mohammed Ould Kablia, Mokhtar Haddam, a été très brillamment présentée par M. Mohammed LAICHOUBI  dans un ton empreint d’une forte émotion. Quelques anecdotes racontées par certains élèves ont ressuscité des souvenirs heureux et ont amené des notes de gaité dans la salle.

L’association AALYM remercie très chaleureusement et fraternellement le Professeur A.DJEBBAR pour avoir spontanément répondu à notre demande. Elle le remercie pour sa disponibilité malgré un agenda très chargé. Qu’il trouve ici l’expression de notre profonde gratitude et nous espérons que l’hospitalité mascarienne l’encouragera à revenir dans un futur pas très lointain pour nous faire profiter de nouveau de son immense érudition.   
Dr A. Bouchetara