CONFERENCE Pr Daho DJERBAL-26-11-2016 "l'Emir Abdelkader de la Moubaya'a à la constitution de l'état algérien..."

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Le lycée Djamel Eddine El Afghani de Mascara a eu ce samedi 26 novembre 2016 un rendez-vous avec l’histoire. Une histoire de notre pays qui reste encore à explorer, à découvrir et à expliquer par des yeux algériens seuls capables de comprendre la profondeur de l’âme algérienne. Il n’est pas concevable d’accepter l’écriture de notre propre histoire par ceux qui prétendent jusqu’à nos jours, avec un cynisme non dissimulé, que le drame subi par le peuple algérien à partir de 1830 a été globalement bénéfique pour lui. Consciente de ces problèmes, notre association a eu le grand privilège de recevoir un authentique historien algérien, Professeur à l’Université d’Alger, grand spécialiste de l’histoire contemporaine algérienne, le Professeur Daho DJERBAL, fondateur de la revue NAQD, pour animer une conférence ayant pour thème : « l’Emir Abdelkader de la Moubaya’a à la constitution de l’état algérien. Aux origines de l’autorité nationale et du pouvoir souverain ». Cette journée coïncide avec les cérémonies célébrant le grand moment fondateur du premier état démocratique de notre pays qu’est la Moubaya’a de l’Emir.

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Notre conférencier a débuté son intervention par montrer l’esprit par lequel, dès leur occupation d’Alger, les autorités militaires françaises ont intimé l’ordre au Dey d’Alger de déposer les armes, l’ont assigné à résidence après sa déposition. Cette capitulation devait prendre effet à partir de 10 h précise : heure française. Acte symbolique signifiant aux autorités turques que dorénavant l’Algérie devait vivre et se plier à la loi française. Ainsi le peuple algérien fut abandonné à son sort, sans une force efficace pour le défendre et prend donc conscience que vus les périls qui le menacent d’effondrement, il doit organiser une résistance propre seule à même de le protéger de la disparition. C’est ainsi que le Pr DJERBAL décrivit l’état des forces disponibles pour la défense du pays. Le constat qu’il fit est dramatique : contrairement à beaucoup de tributs qui répondirent à l’appel du pays, se battirent courageusement et ont contenu l’avancée des troupes étrangères, beaucoup d’autres ont tourné le dos à leur pays et ont adopté une attitude de collaboration avec l’ennemi.

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La période qui suivit fut marquée par une insécurité et une anarchie grave. Une initiative devait être prise pour sauver ce qui pouvait l’être. C’est ainsi que des tributs de l’ouest algérien décidèrent d’élire à leur tête celui qui était le plus apte à remettre de l’ordre dans le pays et à conduire la lutte contre l’occupant. C’est par cet acte d’allégeance ou Moubaya’a, acte authentiquement démocratique, que fut désigné celui qui devait porter la lourde responsabilité de mener la résistance face à l’ennemi, de la création et l’organisation d’un état algérien doté d’institutions politiques, économiques, militaires et diplomatiques. Cette responsabilité fut confiée à un jeune homme de 24 ans, doté d’une culture profondément musulmane, d’un courage à toute épreuve et d’une intelligence rare reconnue par ses plus grands ennemis : El Hadj Abdelkader Ibn Mouhieddine.

Le Pr DJERBAL mit l’accent sur le fait que dès son acceptation de cette responsabilité, l’Emir Abdelkader adressa un appel à tout le peuple algérien à travers ses chouilloukhs, ses Oulémas, ses chefs de tributs pour le rejoindre et sous son autorité défendre le pays. Il fit la comparaison avec l’appel que le Hadj Ahmed Bey adressa aux autorités mises en place sous le pouvoir turc pour le conforter dans sa responsabilité et de pérenniser le pouvoir ottoman sur l’est du pays. La différence est de taille : l’un appelle à la création d’une autorité nationale au service des autochtones et l’autre pour le maintien d’une pérennisation du pouvoir turc. Le conférencier s’est appuyé sur des documents authentiques que nous vous proposons de consulter en fin de ce texte.


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Le Pr Djerbal relate ensuite les conditions extrêmement difficiles qu’a eu à affronter l’Emir. Il a dû déjouer toutes les intrigues, les oppositions et les attitudes hostiles de tributs qu’il a nommément citées. Fort du soutien de la majorité du peuple, l’Emir a pu négocier après de fulgurantes victoires militaires des traités reconnaissant son autorité sur la majeur partie du territoire à l’exception de la ville d’Oran, Mostaganem et Alger. Le conférencier met l’accent sur la portée importante des traités de Desmichel et de la Tafna : ils matérialisent la reconnaissance par un état puissant étranger du nouvel état naissant qui a compté sur ses seules forces. Pour construire et organiser son état, l’Emir doit gagner du temps pour négocier des accords de paix à son avantage. Le Pr Djerbal a lu des textes écrits par ceux-là même qui l’ont combattu et qui ne tarissent pas d’éloges sur l’Emir et qui lui vouent respect et considération.

Des forces considérables, 30000 soldats mobilisés par la France, ont eu difficilement raison d’un peuple armé d’un pays de 2 à 3 millions d’habitants. L’Emir ne bénéficiait, contrairement à ses ennemis, que d’un peuple armé et non d’une armée régulière formée et professionnelle. Avec de tels moyens, il a pu faire face pendant 15 années à une guerre imposée meurtrière. La France reniant ses engagements, l’hostilité du royaume du Maroc, la défection des plusieurs tribus ont poussé l’Emir à proposer un cessez le feu pour préserver la vie de ses concitoyens et pour alléger les souffrances de son peuple. La décision de cessation des hostilités n’a été prise qu’après accord de son entourage. Dans l’esprit de l’Emir, il ne s’est agi aucunement d’une reddition. Le 24 décembre 1847 devait prendre fin cette extraordinaire épopée qui fut d’après le Pr Djerbal le commencement d’une série de soulèvements ininterrompus jusqu’à la victoire finale en 1962.

Un débat très fructueux a suivi cette conférence : beaucoup de questions furent posées et des interrogations soulevées. Plusieurs zones d’ombre ont été levées sur cette période et sur certaines idées mal intentionnées récemment diffusées sur l’Emir. Le Pr Djerbal, documents à l’appui, répondit à toutes ces interrogations. L’idée qui s’est dégagée de cette rencontre est que l’Emir Abdelkader reste et restera l’homme le plus prestigieux de l’histoire de notre pays, rarement égalé, un symbole et un modèle de courage, d’abnégation, d’intelligence et d’engagements pour les générations futures.

L’association remercie très chaleureusement le Pr Djerbal pour cette journée très utile qu’il nous a offerte et qui nous a permis d’approfondir encore plus notre connaissance de l’Emir.
Dr A.BOUCHETARA

Pour consulter les textes cités plus haut, cliquez sur les liens suivants :
Appel de l'Emir aux algériens
Appel de Hadj Ahmed BEY
Lettre de l'Emir Abdelkader au sultan turc