CONFERENCE PR KHELIL 07-06-2014

Détails

Mrs les Ministres,

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs,

Chers élèves.

C’est avec plaisir que j’ai répondu à l’invitation de notre Président, Dr Djilali BOUCIF qui m’a demandé de faire une conférence, tout en ayant la courtoisie de me laisser l’initiative, quant au choix du thème. J’ai donc convenu avec lui, que ce serait celui de la sécurité alimentaire, et me prête volontiers à cet exercice, d’autant que Mr le Ministre Mohamed LAICHOUBI, me fait l’amitié d’en être le modérateur.

Le hasard a aussi voulu que cette manifestation citoyenne se tienne à un moment crucial, marqué par un stress hydrique fortement préjudiciable pour notre agriculture. C’est cette préoccupation que j’ai eu à évoquer avec cet ami cher, REGUIG Khaled, la veille de sa mort.  C’est après sa retraite, que cet ex. Wali, grand commis de l’Etat, très apprécié par tous ceux qui l’ont côtoyé en leurs qualités de collègues, de collaborateurs ou d’amis, s’était trouvé dans son extrême simplicité, une âme de paysan, comme par nécessité de ressourcement et par attachement à la terre de ses aïeux, dans cette commune de Sidi Hammadouche, dont il fût jadis le maire. « Allah yarhmou bi rahmati Allah » ! « Ina lilahi wa ina ilayhi radjioun » !

Cette parenthèse douloureuse étant fermée, je me dois de dire, pour avoir été tout au long de ma carrière, un observateur attentif  et averti des questions agricoles, que la sécheresse n’a jamais été un handicap extrême pour  ces « gros bras » de notre paysannerie mascarienne, qui s’en est quelque peu accoutumée. C’est en effet, suite au rabattement de la nappe de la plaine de Ghriss, à plus de 300 mètres de profondeur, conséquence d’un foisonnement de 5.500 puits, voire plus, si l’on comptabilise ceux réalisés de façon illicite durant les années 90, qu’une bonne partie de nos valeureux paysans a migré vers d’autres Wilayas, dans leur quête de nouvelles terres à mettre en valeur, dans le propre style de ces pionniers du Far West.

C’est ainsi qu’ils devinrent locataires terriens à Ain-Skhouna (W. de Saida), à Sidi-Bel-Abbès, à Rechaiga (W.de Tiaret), à Ain-Defla, à Ain El Bel (W. de Djelfa), à Bousaâda (W.de M’Sila), à El-Ghrouss (W. de Biskra) et à El-Oued. Cet exode a eu pour effet bénéfique, la récupération de centaines d’hectares, jusque là non travaillés puisque livrés auparavant à la jachère et aux mauvaises herbes. Ils développèrent  la culture de la pomme de terre et de l’oignon et firent des émules à la faveur de leur savoir-faire paysan. Mais alors ! Ne peut-on pas dire sans risque de se tromper, qu’ils sont les précurseurs  de ce qu’il convient d’appeler : la « démocratisation » de la culture de ces produits agricoles de première nécessité ? À moins d’ingratitude, c’est ce que devraient retenir, la mémoire collective et l’histoire de l’Algérie agricole !

N’est-ce pas aussi, que c’est à ces gens là, que devrait revenir en toute logique, la terre, si l’on songe réellement à notre sécurité alimentaire ? Cette expérience réussie, est relatée tel un hommage à cette paysannerie du mérite, pour dire, que l’effort et le travail bien accompli, sont chaque fois couronnés de succès ! Moralité, c’est cette expérience qui doit faire contagion, et non, la culture du gain facile de la vente « saprophyte » des produits agricoles en seconde, en troisième, voire en quatrième main !

Ceci étant dit, je me propose maintenant de faire un zoom sur l’agriculture tout en ayant à évoquer quelques pistes à investir en dehors des sentiers habituels qui ne mènent, qu’à la pérennisation de notre dépendance. Ceci d’autant plus, qu’on ne sait pas encore mutualiser nos efforts autour de la réalisation de mêmes objectifs, ce qui souligne toute la difficulté à faire face aux enjeux d’un lendemain, fait d’incertitudes autour d’une agriculture, qui n’a pas encore retrouvé ses marques et ses repères.

N’est-ce pas, que de façon périodique, les bourrasques de vents de sable  nous rappellent toute la fragilité des écosystèmes steppiques et oasiens que nous n’avons pas su préserver ?  Oui ! Même les pays de l’Europe du Sud se sentent menacés par ce risque majeur, qui pèse durablement sur notre agriculture et peut se traduire par des exodes de plus en plus massifs. Ce n’est là, ni une vue de l’esprit ni un scénario apocalyptique qui consiste à faire peur.

C’est bien au contraire, une vision réaliste de ce qui nous attend, si de vastes programmes de lutte contre la désertification ne sont pas entrepris avec toute l’intensité voulue, qui est celle de grands travaux d’aménagement du territoire, à l’échelle des régions des Hauts-Plateaux et du Sud, voire à l’échelle des régions Subsahariennes, dans le cadre d’un co-développement transfrontalier qui pourrait donner au NEPAD, sa dimension opérationnelle.

La question de la sécurité alimentaire restera sans aucun doute, une de nos préoccupations majeures pour les années à venir et tout particulièrement, pour les générations futures menacées dans leur existence, parce qu’appelées à vivre dans un contexte des plus contraignant, marqué dans un avenir proche, par l’amenuisement des ressources et par le réchauffement climatique, dans cette ère fatidique de l’après pétrole.

C’est là, l’une des premières conséquences de la courseeffrénée à la croissance, que se livrent les puissants de ce monde et les pays émergents, dans leur quête de bien être, sans se soucier des dommages causés aux équilibres des écosystèmes fragiles et leurs effets collatéraux sur les populations les plus vulnérables. 

Dans cet horizon aux contours incertains, l’angoisse grandissante vis-à-vis de cette question a créé un phénomène de panique et une surenchère, autour de l’acquisition des terres agricoles de pays africains. Dans cette ironie du sort, c’est encore une fois, les pays pauvres qui devront « serrer davantage la ceinture ». Des communautés entières ont été dépossédées de leurs terres au profit d’investisseurs étrangers, compromettant ainsi, l’avenir de la jeunesse africaine, qui n’aura pour seul choix, que les migrations massives vers des contrées de l’espace Schengen supposées plus « clémentes », alors qu’elles leur sont de plus en plus inaccessibles.

De très nombreux étrangers, dont des firmes agroalimentaires, ont procédé à l’achat de terres agricoles notamment à Madagascar, au Mali, au Mozambique, au Soudan, en Ouganda, en Éthiopie et bien d’autres pays. Parmi ces « accapareurs » de terres agricoles africaines, on cite souvent : la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Japon, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et les Emirats Arabes Unis.

C’est ainsi, que l’Ouganda a mis à la disposition de l’Egypte, près de 850.000 hectares de terres destinées à la culture du blé et du maïs, soit l’équivalent de près de 12% de la superficie agricole utile de l’Algérie.  De même que le Soudan a aussi attribué des terres à la Jordanie. En 2008, le groupe Sud Coréen Daewoo, a conclu avec le Gouvernement Malgache, un accord portant sur la location de 1.300.000 hectares de terres agricoles, ce qui représente la moitié des terres arables de la Grande île. Depuis 2009, en échange de création d’emplois et de construction d’infrastructures, ce groupe Sudcoréen, va exploiter pendant 99 ans, ces terres pour la culture du maïs et la production d’huile de palme. Cet exemple, d’une société asiatique privée, animée par le souci de satisfaire les besoins alimentaires de la population de son pays, est à méditer, dès lors qu’il est démontré dans ce cas, que l’intérêt privé n’est pas forcément incompatible avec celui de la collectivité nationale.

Si par ailleurs, l’on sait que la Chine a pris option pour un modèle de consommation à l’occidentale, en consommant plus de viandes et que l’Inde s’oriente vers la consommation de produits laitiers et dérivés, l’on imagine aisément la tension qui pèsera à l’avenir sur les disponibilités mondiales en céréales, dans la mesure, où le rapport est de huit grammes de protéines végétales transformées, pour l’obtention d’un gramme de protéines animales.

En plus, à l’instabilité des marchés financiers et de l’insécurité alimentaire, s’ajoute également, l’augmentation de la demande en biocarburants. Tout cela, est de nature à augmenter davantage la spéculation autour des terres agricoles. Dès à présent, cinq pays totalisent à eux seuls, plus de 7.300.000 hectares de terres arables à l’extérieur de leurs territoires, autrement dit,  l’équivalent de la superficie agricole utile de l’Algérie. Il s’agit : de la Chine, de la Corée du Sud, des Emirats arabes unies, du Japon et de l’Arabie Saoudite. Mais quoique l’on puisse dire de cette manifestation d’intérêt  autour des terres agricoles, ce qu’il faut retenir, est que le souci de l’horizon, est présent chez ces pays et que la prise de conscience par rapport à la question alimentaire est réelle. Et nous dans tout cela ! Qu’est-il possible, que nous puissions faire, pour se prémunir par rapport à ce risque majeur !

Si nous faisons une brève rétrospective, ce qui est en soi nécessaire  pour le cadrage de cette question vitale, l’on s’aperçoit que l’agriculture jadis prospère, était caractérisée par la richesse de la diversité des produits de marque des terroirs, comme l’olive sigoise, l’orange de Mohammedia, l’artichaut de Relizane, la cerise de Oued Chouly et de Miliana, les vignobles d’appellation d’origine garantie, la fraise de Jijel et de Skikda, les variétés locales de blé dur : Med Belbachir, Blidi 17 et Oued Zenati, la viande ovine de Ouled Djellal à haute valeur organoleptique, la datte Deglet Nour de Tolga, et bien d’autres produits de qualité supérieure.

Chez nos ainés, cette agriculture était portée par la richesse des traditions et des savoir-faire communautaires. C’était l’époque des champs en pleines activités, celles qui s’étalent de l’aube jusqu’au moment crépusculaire. En ce temps là, le labeur  était assimilé par notre paysannerie à une forme de prière, et relevait par conséquent, du domaine du sacré. Oui ! Il est bien regrettable que cette prédisposition mentale, de même que tous les atouts pour fonder un développement agricole durable, n’ont pu être mis à profit, à défaut d’une vision prospective convenablement élaborée, et de l’absence d’institutions capables de porter le rêve d’une Algérie agricole prospère.

Cela trouve son explication dans le fait que le projet de modernisation du monde rural a été conçu et mené à la hussarde contre la tradition, sacrifiant ainsi l’énorme potentiel d’habitudes de travail, de normes sociales, de valeurs, de produits et de marchés, y compris à l’exportation. Tout a été fait comme si la modernité n’est pas justement la réappropriation critique de la tradition, dans un continuum historique où le nouveau est toujours porté par l’ancien, comme le soulignait si bien, l’Emir Abdelkader, en dialogue avec les élites de l’Occident. Si nous sommes aujourd’hui dépendants de l’extérieur dans de larges proportions pour la couverture de nos besoins en denrées alimentaires, c’est que notre pays a connu l’hécatombe la plus meurtrière des métiers et des savoir-faire agricoles.

La conséquence en est, la déprise agricole aujourd’hui perceptible dans nos campagnes dévitalisées, malgré la mise en œuvre d’une politique dite de « renouveau rural » qui faut-il le souligner, n’a pas encore atteint son objectif de retour des populations victimes d’un exode forcé durant la décennie noire et ce, malgré l’effort colossal consenti par l’Etat en direction des zones rurales. En réalité, l’Etat animé de bonne foi au départ de cette opération d’envergure, a été quelque peu grugé par les réseaux qu’à su tisser une bonne partie de la population  rurale qui a élu domicile à la lisière des agglomérations urbaines, tout en émargeant aux aides et soutiens du « dâam arifi », sans contrepartie significative de retour au travail de la terre.

Cela augure une « désertisation » certaine de nos campagnes, si la politique de leur repeuplement  n’est pas revisitée dans sa conception, dans son contenu, dans sa forme de soutien et dans son caractère sectoriel fortement réducteur. Peut-on penser sérieusement que dans cette ambiance délétère nous soyons en mesure un jour, d’assurer correctement notre sécurité alimentaire ? Alors ! Forcément, il faut le dire sans détour, il y a péril en la demeure, même si pour l’instant nous ne sommes pas encore dans le besoin d’une externalité de notre agriculture ! En effet, la réalité du terrain semble dire, qu’à défaut de bras vaillants, les activités agricoles pratiquées par une main d’œuvre vieillissante, demeurent aléatoires et les niveaux  atteints en termes de couverture de nos besoins alimentaires pour les principaux produits sont là pour indiquer, que notre agriculture est en déclin.

C’est ainsi, qu’avec un ratio de (0.24) hectare de surface agricole utile par habitant, la couverture de nos besoins en céréales n’est que de 30% , alors qu’avec un ratio presque identique (0.28) le Maroc arrive à un taux de 59%, faisant également mieux que la Tunisie, qui avec un ratio de (0.48) ne couvre que 50% de ses besoins.

Si dans ces trois pays du Maghreb, les rendements restent relativement faibles (10 à 15 quintaux à l’hectare), l’Egypte qui pratique par contre, l’irrigation à partir du Nil, arrive à produire à hauteur de 65 quintaux à l’hectare, c’est à dire au même niveau que les pays développés. C’est pourquoi, avec le ratio le plus faible du Monde Arabe, soit 0.03 hectare par habitant, les fellahs du Nil arrivent quand même à couvrir à hauteur de 50% les besoins en céréales de leur pays, qui reste cependant le premier importateur en Afrique, au regard le l’importance de sa population, évaluée à près de 83 Millions d’habitants.

Pour ce qui nous concerne, la dépendance alimentaire ne se limite malheureusement pas, qu’aux céréales pour lesquelles nous importons 70% de nos besoins. Elle se situe également à des niveaux alarmants pour des produits de première nécessité, tels : le sucre (100%), l’huile (95%), l’aliment de volaille (90%), les légumes secs (85%) et le lait (57%).

C’est ainsi, que nos importations ont atteint prés de (9) Milliards $ en 2012, alors qu’elles n’étaient que de (2) Milliards $ dans les années 80, de               (3) Milliards $ en 2005 et de (4) Milliards $ en 2008. À partir de là, n’étant pas en droit de s’interroger sur l’investissement colossal accordé au secteur de l’agriculture, et sur la contrepartie en gain de productivité, qu’aurait du induire l’effacement des dettes des agriculteurs ?

Pour rappel, l’enveloppe financière accordée au secteur de l’agriculture, sur la période 2010-2014, soit 1.000 Milliards de dinars, s’ajoutent aux crédits déjà consommés au titre du PNDRA à partir de l’année 2000 et les             (41) Milliards de dinars destinés au rachat des dettes des agriculteurs. Il est donc aisé de constater, qu’au regard de ses performances actuelles, l’agriculture a plus manqué de vision stratégique et de technicité, que de moyens financiers pour son développement et l’amélioration de sa productivité.

Pour ce qui concerne tout particulièrement la céréaliculture, force est de constater que notre pays reste fortement dépendant de l’étranger pour ses besoins, évalués à (70) Millions de quintaux par an. Tout en disposant de ressources parmi les plus importantes en Afrique, notre pays est l’un des (10) principaux importateurs de denrées alimentaires à l’échelle mondiale et le second après l’Egypte, au niveau continental . D’aucuns peuvent se dire, que tant que nous disposons de réserves de changes, on est à l’abri de difficultés alimentaires ! Rien n’est moins sûr ! Dans le monde d’aujourd’hui, marqué par des aléas de diverses natures et des incertitudes qui pèsent sur le devenir de l’humanité, nous n’avons aucune assurance quant à la pérennité d’une aisance financière et quant à l’accessibilité aux marchés extérieurs.

Quand bien même nous serions toujours relativement riches, ce qui est peu probable, avons-nous pour autant cette certitude de pouvoir accéder aux stocks en denrées alimentaires des pays occidentaux, lorsque ceux-ci auront défini les règles et les formes, selon des critères d’alignement, de soumission ou d’appartenance à une quelconque idéologie ! Comment dans ce cas, pourrions-nous préserver notre « s.m.i.g. » dignité  et notre souveraineté, d’autant plus qu’on devrait passer d’un ratio de 0.24 à 0.13 en 2025, sous la pression de l’urbanisation et de la désertification, phénomènes que nous n’avons pas su juguler !

Dans cette agriculture de subsistance conduite péniblement sous la houlette d’une main d’œuvre à la limite de ses forces, l’encadrement technique, constitue aujourd’hui le maillon faible, comme il a été souligné par le recensement général de 2002. Les résultats de cette enquête font ressortir, que 65% de chefs d’exploitations sont sans instruction, 1% de niveau de formation supérieur et moins de 3% disposent d’une formation agricole. A noter aussi, que plus de 36% des chefs d’exploitations ont aujourd’hui 70 ans. Il est suggéré par cette étude, de former à partir de la population des jeunes ne disposant pas d’instruction et de niveau primaire, près de 127.000 ouvriers à spécialiser dans les différentes filières agricoles. Il faut également envisager, nous dit-on, la formation de près de 73.000 techniciens, dans les différents domaines.

De même, le recyclage de plus de 6.000 ingénieurs, en réalité des diplômés de l’enseignement supérieur ne disposant pas de savoir faire pratique, serait à envisager sérieusement. C’est là, l’atout maître pour une agriculture à la recherche des éléments de sa modernité. C’est à ces milliers de jeunes diplômés, une fois mis à niveau, que doit être offerte une opportunité dans la création de PME prestataires de services, d’ingénierie  et de conseil agricole. Convenablement formés, ses jeunes entrepreneurs sont à considérer comme les pionniers de l’agriculture moderne, axée principalement sur les exploitations de taille moyenne et comme éléments dynamiques d’encadrement des petites exploitations familiales.

A titre d’exemple, une moissonneuse batteuse convenablement réglée, pourrait réduire considérablement les pertes aux champs estimées à 25% au moment de la récolte. Si nous ramenons ce taux au niveau acceptable de 10%, cela équivaudrait à faire un gain de (4) Millions de quintaux, soit près de 6% de nos besoins. Cet exemple souligne tout l’intérêt de la formation et par conséquent, de la réhabilitation des écoles d’agriculture et de l’ouverture de lycées agricoles, garants de l’emploi des jeunes, non motivés pour les études supérieures. La formation des formateurs au sein des pays du circum méditerranéen qui placent l’acquis de la technicité  au cœur du défi de leurs agricultures, est aussi, une autre action fondamentale qu’il convient de concrétiser au plus vite. C’est là une urgence et une voie de réussite par laquelle sont passés, tous les pays à agriculture prospère.

Quand on aura formé correctement les ouvriers agricoles et les chefs d’entreprises de l’agriculture de demain ! Quand on aura songé à faire de nos services agricoles déconcentrés de véritables centres de management du développement agricole, versés exclusivement à l’encadrement des actions sur le terrain ! Quand on aura redynamisé les chambres d’agricultures, à hauteur des exigences d’une agriculture performante ! Quand aura favorisé l’émergence d’un système coopératif  d’entraide et de solidarité par filière ! Alors ! La réduction de notre dépendance alimentaire relèvera du domaine du possible. L’heure est donc, à la formation de la ressource humaine et non, à l’importation inconsidérée et sans limite, de produits pas toujours nécessaires ! Après quoi, il s’agira de se fixer des objectifs précis pour certains produits stratégiques de première nécessité, où il demeure impératif, que des progrès significatifs soient au plus vite réalisés. Que faut-il faire dés à présent pour réduire notre dépendance alimentaire !

Si l’on considère que nos besoins en fruits et légumes, en pomme de terre, en tomate industrielle, en viandes rouges et en viandes blanches sont correctement couverts, que pour le sucre, le thé et le café, notre dépendance à 100% continuera à l’être, dès lors que ces cultures ne sont pas pratiquées chez nous, au même titre d’ailleurs que pour les oléagineux, l’on doit prendre pour option, l’amélioration de la couverture de nos besoins pour ce qui concerne les céréales, les légumes secs et le lait, pour lesquels notre dépendance est respectivement de 70%, 85% et 58%.  

Dans le domaine de la céréaliculture, l’on devrait être capable de réaliser de meilleures performances, à partir de l’irrigation d’appoint, particulièrement durant la période de stress hydrique (mars-avril). Ceci pour dire, qu’avec l’effort colossal déployé en matière de réalisation d’infrastructures hydrauliques, soit une mobilisation  de (5) Milliards de m3 de ressources superficielles, il est possible d’apporter dès à présent, un appoint d’eau aux espaces céréaliers du Sersou, du Titteri, du Hodna, du Constantinois et de Guelma, tout en cherchant sa généralisation progressive à d’autres  terroirs,  dés lors que des transferts sont envisagés à partir des ressources de la nappe albienne vers les Hauts-Plateaux ( étude en cours).

Il faut faire remarquer, qu’au chapitre de l’irrigation, la dernière position dans le monde arabe revient à l’Algérie avec à peine, 5.000 m3 à l’hectare en moyenne par an. Cette dotation est trop faible par comparaison à celles des autres pays classés par catégories, comme suit : Lybie, Qatar, Yémen, Tunisie,  Syrie, Jordanie, Liban, Maroc (9.000 m3) ; Arabie Saoudite (10.000 m3) ; Irak, Emirats, Koweït et Egypte (15.000 m3) ; Oman et Bahreïn (20.000 m3).

Conjuguée à la maîtrise des différents itinéraires techniques, l’appoint d’irrigation devrait améliorer les rendements et réduire  notre dépendance en céréales. À ce titre, il importe de souligner, que l’étude menée par le BNEDER, a dégagé une possibilité d’irrigation à hauteur de 1.200.000 hectares, nécessitant en termes d’équipements, une enveloppe financière de 150 Milliards de DA, soit l’équivalent du coût de 40.000 logements, selon la formule LSP. C’est dire que cela est à notre portée ! Le taux de rentabilité d’un tel système est estimé à 19% de l’investissement consenti, au bout de la 3ème année.

Aujourd’hui, sur un potentiel de 3.300.000 hectares réservés à la céréaliculture, seulement 95.000 hectares sont équipés en moyens d’irrigation d’appoint. Cette opération convenablement encadrée et soutenue par l’Etat est à orienter de façon prioritaire sur les exploitations agricoles de 10 à 50 hectares qui disposent de 50% de la surface agricole utile et sur celles de plus de 50 hectares qui détiennent 23% de la S.A.U. C’est à ces deux niveaux, que peut-être pratiquée une agriculture moderne, qui devrait couvrir plus de 60% de nos besoins, sur la base d’un rendement moyen de l’ordre de 50 quintaux à l’hectare à l’irrigué. Cette année, le rendement moyen à l’irrigué, a été de 60 quintaux à l’hectare, à El-Oued !

Au chapitre de l’utilisation optimale du potentiel agricole, la résorption de la jachère évaluée à plus de (3) Millions d’hectares, est aussi, de nature à réduire notre dépendance en légumes secs  et à accroître nos capacités fourragères en vue de la promotion de l’élevage bovin et de la production laitière, aujourd’hui objet du scandaleux problème de déperdition de quantités énormes de lait, par défaut d’une politique efficience de ramassage de ce produit de première nécessité.                    

De même, la forte dépendance en alimentation des petits élevages, suggère le développement des cultures industrielles dans les régions du Sud à fortes potentialités hydriques, comme c’est le cas à In-Salah  et  à El-Menia, ainsi que la recherche de nouvelles formulations d’aliments, basées sur l’incorporation la plus large possible de sous-produits riches en acides aminés. Il y a là, matière à développer une authentique industrie, basée cette fois-ci, sur le principe de l’intégration la plus large possible des produits locaux. C’est là aussi, un gisement d’emplois non négligeable, pour les jeunes ruraux.

On peut se fixer également comme autre objectif, la compensation du manque à gagner sur la facture alimentaire, par l’exportation de certains produits agricoles de haute qualité. Dans ce système de balance alimentaire, notre pays a en ses alliés que sont le soleil et la spécificité de ses terroirs, deux atouts majeurs dont il peut se prévaloir, en tant qu’espace de productions agricoles labellisées. Investir la voie de l’agriculture intelligente est en fait, un choix des plus stratégiques.

Le défi de la décennie à venir est sans aucun doute, celui de l’intensification des systèmes de productions qui suppose bien évidemment, une capitalisation de savoir-faire. A ce titre, il importe de souligner, que les structures de recherche sont restées  totalement coupées de la réalité des espaces agricoles, qui vivotent au rythme de pratiques d’une paysannerie en fin de parcours. L’ancrage de notre agriculture dans la voie de la prospérité, suppose que les exploitations, entreprises agricoles de demain, soient au cœur des enjeux scientifiques, techniques, économiques et managériaux. Il s’agit, à partir d’une meilleure efficience organisationnelle, de créer autour de l’action proprement agricole, les solidarités capables de fiabiliser scientifiquement les options, d’assurer à la paysannerie l’accès aux techniques modernes et d’appuyer le progrès rural par tous les accompagnements qui lui sont indispensables.   Cette manière efficiente de concevoir le développement agricole et rural est celle de l’esprit agropole.

Cette technopole spécialisée en agriculture, organisée sur un même lieu, doit réunir toutes les conditions pour créer, développer et implanter des projets agroalimentaires. Elle doit disposer de laboratoires, de champs d’expérimentation, d’un centre de formation en management disposant d’une salle de conférences et d’internet haut débit, ainsi que d’une plateforme aménagée destinée à l’accueil d’unités agroalimentaires, dans la proximité de l’autoroute. C’est dans cette voie que ceux sont inscrits des pays comme le Maroc, qui envisage la mise en place de (6) agropoles d’ici 2015, la Tunisie, le Liban, le Cameroun... Mascara est aussi tout à fait indiqué pour accueillir un tel projet à élargir par la suite  à Mostaganem, à Relizane et à Sidi-Bel-Abbès tout au moins.

C’est dans cette perspective d’une vocation d’excellence « agro-alimentaire », que l’université de Mascara, devra trouver sa voie et construire son identité. Elle doit envisager cette option en parfaite synergie et en complémentarité avec les autres universités de sa zone d’influence, pour faire de ce projet majeur, un centre d’intérêt commun. A ce titre, il importe de souligner, en tant que premier jalon dans la construction de cet espace géoéconomique pertinent, l’initiative prise par Mr le Wali de Mascara dans la réalisation d’un marché régional de fruits et légumes, dans la commune de Sidi-Abdeldjabar. Pour l’histoire, cette commune a jadis abrité la station  expérimentale de ferme blanche, dont les travaux de recherches sur les zones arides, ont fait d’elle, un lieu scientifique et technique de renommée internationale.

Réhabiliter cette réputation est donc la nature du défi que devra relever la communauté scientifique et technique, qui devra apprendre à fédérer ses forces autour de la réalisation de cet objectif, qui doit être aussi, le centre d’intérêt des instituts de développement des différentes filières agricoles, des chambres d’agriculture, des centres de formation professionnelle, des services techniques déconcentrés, des banques et bien d’autres institutions et organismes. Ce n’est que dans cette vision de pratiques agricoles revisitées, qu’il sera possible un jour de réduire considérablement notre dépendance alimentaire !

En espérant que ma conférence, vous aura permis de mieux saisir les difficultés inhérentes à la question de la sécurité alimentaire et de mesurer toute l’ampleur du défi qu’elle pose, tout particulièrement à la communauté scientifique et technique, je tiens à vous remercie pour toute la patience que vous avez manifesté à mon égard, et pour votre aimable attention.

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Conférence  du Pr Abdelkader KHELIL, sur le thème de la sécurité alimentaire, présentée à l’occasion de la rencontre annuelle des anciens élèves du lycée de garçons de Mascara, le 7 juin 2014

   

PUBLICATION DU Pr KHELIL .2

Curieux endroit qu'a choisi le Pr KHELIL pour situer le déroulement de son histoire. Ce choix en réalité n'est pas fortuit: ce phénomène de la file d'attente révèle l'un des malaises chroniques que ressent le citoyen algérien. Pour les deux acteurs de ce roman ce lieu constitue l'observatoire idéal pour scruter, observer et sentir physiquement le resenti de ce malaise social. Le dialogue des deux amis, l'un agronome l'autre journaliste, passe en revue tous les problèmes qui empoisonnent la vie quotidienne de l'algérien. Dans l'épilogue l'auteur propose des solutions basées sur des études scientifiques qui doivent accompagner une réforme en profondeur de notre système socioéconomique et donc politique. Comme d'habitude chaque publication du Pr KHELIL constitue une nouvelle contribution positive  au débat national.A.B

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